De nouvelles formes d'emploi émergent telles que le portage salarial, le free lance, l'autoentrepreneuriat. Comment les gérer dans les entreprises ?
Je souhaite partager avec vous cet article d'Isabelle Bastide publié sur le site internet Harvard Business Review, le 24/12/2018.
Face au recours croissant des grandes entreprises à de la main-d’œuvre non salariée, les managers doivent réinventer des manières de susciter de l’engagement chez ces derniers.
Portage salarial, free-lance, autoentrepreneuriat, management de transition, travail à temps partagé ou encore pluriactivité… Portées par les avancées technologiques, de nouvelles aspirations, mais aussi par les réformes successives, de nouvelles formes d’emploi émergent ou se renforcent. Des modes d’activité plébiscités aussi bien par les candidats que par les employeurs. Mais comment gérer ce nouveau collectif dans les entreprises?
Salarié hier et free-lance en mission dans l’entreprise demain. Si cette conception semblait encore farfelue il y a peu, elle tend à devenir une réalité. Les réformes du statut de travailleur indépendant et les propositions pour une plus grande sécurisation du régime des autoentrepreneurs – avec l’alignement des systèmes de protection sociale, notamment – accélèrent le processus.
Selon une étude réalisée par la plateforme Malt (anciennement Hopwork), le nombre de free-lances ou de travailleurs indépendants exerçant en France a triplé en seulement dix ans. Le travail indépendant y représente aujourd’hui 11,5% de l’emploi. Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à faire appel aux free-lances, à l’instar de nombreuses sociétés du CAC40. Aux Etats-Unis, ce sont près de 40 % des travailleurs qui sont indépendants. Si les marchés ne sont pas comparables, cela laisse tout de même présager de fortes perspectives de développement en France.
Recourir au management de transition
Pour assurer la disponibilité de certaines expertises ou de compétences rares, mais aussi pour plus d’agilité dans un monde où les cycles économiques sont de plus en plus courts, les entreprises recourent aussi de plus en plus à des managers de transition. Ces missions concernent les profils ayant une expertise très particulière, notamment dans les domaines de l’informatique, de la finance, du marketing ou encore des ressources humaines. Les profils de managers expérimentés sont également très prisés des entreprises dans le cadre d’une réorganisation ou d’une transformation digitale. C’est une véritable tendance de fond depuis près de cinq ans (+27 % de chiffres d’affaires en 2017 selon la Fédération nationale du Management de Transition).
Jusqu’ici, les équipes dirigeantes n’avaient à gérer que les salariés de l’entreprise et à garantir leur épanouissement et leur engagement au quotidien pour développer la performance. Les cartes sont aujourd’hui rebattues : il s’agit désormais de faire travailler ensemble les salariés de l’entreprise d’une part, mais aussi les salariés de l’entreprise et des prestataires ou des intervenants externes d’autre part. Les nouveaux collectifs de l’entreprise renferment aujourd’hui des managers de transition, des salariés en portage (tels que des experts IT), des free-lances (comme les rédacteurs Web), des prestataires externes (notamment des auditeurs et des experts-comptables).
Des partenaires qui évolueront de plus en plus en mode projet, pour des durées plus ou moins longues et qui ne sont, à l’heure actuelle, pas intégrés de la même manière dans l’entreprise. L’enjeu numéro un est désormais de pouvoir mener une politique inclusive, jusqu’aux statuts des travailleurs de l’entreprise, afin de garantir un investissement équivalent dans le travail.
Internaliser les travailleurs non salariés
Ceci implique de prendre en considération les nombreux cas de figure pouvant se présenter. Car si certaines ressources externes sont temporairement internalisées, d’autres restent externalisées. L’internalisation de collaborateurs non salariés permet de fédérer plus facilement les équipes. L’inclusion est facilitée par un lien physique réel (environnement de travail, espaces partagés, relation aux collègues…), un accès aux mêmes outils et aux mêmes avantages que le personnel salarié (ressources informatiques, outils de mobilité, télétravail, services de l’entreprise…) et par l’exposition quotidienne aux valeurs de l’entreprise, aux messages communiqués en interne et à la dynamique à l’œuvre. Ainsi, le manager de transition venu accompagner le changement dans votre entreprise, le formateur indépendant qui intervient régulièrement dans vos locaux et l’expert IT en portage chargé de veiller à la sécurité de votre site Web formeront, au même titre que vos salariés, un nouveau collectif, disparate, mouvant mais intégré et performant.
Les poids lourds de l’industrie tels qu’Airbus ou PSA, autour desquels gravite tout un écosystème de sous-traitants, sont un exemple intéressant de non salariés intégrés au collectif. De l’ingénieur en électronique embarquée au consultant expert, de nombreux profils intègrent l’entreprise pour des missions dont la durée varie au gré des innovations et des rythmes de production. Leur mission s’intègre totalement dans la chaîne de valeur de l’entreprise et leur contribution est soulignée au niveau du produit fini. Donner de la visibilité sur la contribution des partenaires non salariés à l’atteinte des objectifs globaux de l’entreprise (via la communication interne comme externe) et souligner leur participation aux résultats sont en effet des clés pour renforcer l’intégration de ces derniers au collectif existant.
Aménager des rencontres avec les salariés à distance
S’agissant des non-salariés évoluant à distance, les choses se compliquent. Justement parce que le partenaire se trouve hors des murs de l’entreprise, la transparence et la communication sont d’autant plus essentielles. Il est alors crucial de créer des opportunités de rencontres et de partage si l’on souhaite fédérer et obtenir un investissement substantiel. Les nouvelles technologies et la visioconférence notamment, facilitent une telle approche.
Plus encore que pour des non-salariés intégrés physiquement à l’entreprise, il faut pouvoir valoriser les interventions et les réalisations des partenaires moins présents, et les inclure systématiquement aux points projets ou points d’équipe. Mais au-delà de Skype, des réunions virtuelles, des fichiers partagés et des outils collaboratifs, il faut pouvoir systématiser l’organisation de déjeuners, de réunions dans les locaux, de journées d’immersion avec le équipes en place, de moments d’échanges moins formels permettant de créer du lien et de l’engagement, mais aussi offrir une réelle visibilité à des acteurs autrement peu mis en lumière. Le management comme la marque employeur jouent ici un rôle clé dans la fidélisation et la rétention des collaborateurs non salariés.
Tout l’enjeu, pour les dirigeants, est de rester compétitif dans un environnement qui voit émerger de nouvelles formes d’emploi et où les cycles économiques imposent beaucoup de réactivité. Or, pour cela, il est essentiel de penser « inclusion ». Il faut pouvoir permettre à chaque acteur, à chaque individu contribuant aux résultats de l’entreprise, d’exprimer tout son potentiel et de profiter de l’organisation en place.