Source : Harvard Business Review France - Alison Maitland
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La transformation du travail à l’ère de la mondialisation numérique s’accélère. On choisit de plus en plus d’être son propre patron, et un nombre croissant d’entreprises et de travailleurs indépendants traitent par le biais de plateformes en ligne. Dans certains secteurs du monde des affaires, des stratégies innovantes sont en train d’émerger et misent sur une plus grande liberté et un plus grand choix accordés à tous les employés quant à leur lieu et leurs méthodes de travail.
Des forces majeures sous-tendent cette mutation du travail, comme les rapides avancées que connaît le domaine des technologies de la communication, la mondialisation, les changements démographiques en matière de main-d’œuvre et le besoin urgent de lutter contre le changement climatique. Dans le cadre de nos recherches pour la rédaction de mon livre, Future Work, nous avons découvert que les entreprises qui parviennent à implanter de nouvelles pratiques de travail ont beaucoup à y gagner. Elles bénéficient notamment d’un accroissement de la productivité, d’économies de coûts, d’un accès plus rapide à de nouveaux marchés, d’un service à la clientèle élargi, d’un accès à un plus grand bassin de talents et de la poursuite des activités, même en cas de perturbations causées par des évènements majeurs, tels que des ouragans et des tremblements de terre.
Le fossé se creuse pourtant entre les dirigeants qui se tournent vers la flexibilité offerte par le travail du futur et les entreprises qui peinent à se défaire des pratiques de travail rigides de l’ère industrielle, caractérisées par un temps et un lieu de travail fixes et un style de management fondé sur le contrôle (ou, tout du moins, l’illusion du contrôle).
Pour réussir la transition vers un modèle de travail du XXIe siècle, il faut avant tout reconnaître la nécessité de modifier la culture organisationnelle, les styles d’encadrement et les attitudes en matière de management. Vous aurez beau réaménager les espaces de travail et moderniser la technologie, la véritable clé du succès n’en restera pas moins le changement des comportements.
En nous fondant sur le cas d’un certain nombre d’entreprises pionnières qui sont en train d’opérer cette transition, nous avons élaboré cinq principes afin de guider les entreprises qui souhaitent s’adapter et prospérer dans le nouveau monde du travail. Ils sont regroupés sous l’acronyme « TRUST » (en anglais) :
1. Faire confiance à ses employés (Trust your people)
Il est primordial de faire confiance à ses employés si l’on décide de leur accorder une plus grande liberté afin qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Cette confiance doit être réciproque : aux managers comme aux employés de s’adapter et d’être prêts à assumer la responsabilité de la définition et de la réalisation d’objectifs clairs. De nombreux responsables doivent apprendre, par la pratique, à se détacher de ce besoin de contrôler qui est bien souvent leur mode de fonctionnement « par défaut ». Ils doivent également remettre en question leurs propres idées reçues, comme celle de penser que la présence d’un employé sur son lieu de travail pendant de longues heures est signe de son implication.
Les managers peuvent témoigner leur confiance en encourageant leurs équipes à atteindre de manière plus efficace les objectifs de l’entreprise et en répondant aux préférences et aux besoins personnels de chacun. Ceux qui travaillent sur le terrain ont en général une meilleure vision de la façon dont les choses peuvent être améliorées. Les managers qui minimisent les contraintes tout en maximisant l’autonomie des employés sont ceux qui aideront leurs entreprises à accroître à la fois la motivation et la productivité.
2. Récompenser les résultats plutôt que les heures (Reward results, not hours)
Le modèle de travail du futur met avant tout l’accent sur les résultats. Ce ne sont pas les efforts déployés pour accomplir une tâche qui la définissent, mais son objectif, et c’est la réalisation de ce dernier dont le management doit se préoccuper. La manière dont on fixe les objectifs et les résultats à atteindre variera d’un secteur et d’un emploi à l’autre. Se concentrer purement et simplement sur les chiffres peut dans certains cas avoir des conséquences délétères. Des objectifs plus larges, comme par exemple offrir un excellent service à la clientèle ou s’assurer que les patients sont traités avec compassion, constituent des cibles au moins aussi importantes.
Pour de nombreux travailleurs du savoir, le lieu de travail n’a aucune importance. Un nombre croissant d’options et de lieux s’offrent à eux, du bureau au domicile, en passant par les plateformes de travail intelligentes, les cafés, les bibliothèques et les transports en commun. L’enjeu consiste de plus en plus à trouver le bon endroit et le bon moment pour la tâche à accomplir, qu’il s’agisse de rencontrer des clients, de rédiger un rapport complexe ou de collaborer en ligne avec une équipe internationale.
Pour les dirigeants, un excellent moyen de montrer que ce sont les performances qui importent, plutôt que les heures, est de s’assurer que les modes de travail individuels ne sont pas pris en compte quand vient le moment d’accorder une promotion. Cela envoie un signal de changement fort au reste de l’organisation.
3. Comprendre l’intérêt commercial (Understand the business case)
À chaque fois que nous avons découvert une entreprise pleinement engagée dans la mise en œuvre de nouvelles pratiques de travail, celle-ci était guidée par un objectif commercial. Chaque organisation a besoin de développer son propre argument commercial, qu’il s’agisse d’accroître la productivité, d’endiguer la fuite des talents, de s’adapter plus rapidement à de nouveaux marchés ou d’utiliser un avantage technologique. Celles qui progressent le plus ont adopté une stratégie transversale englobant les RH, la finance, l’immobilier, les TI et la communication. Cela permet en outre de mesurer d’emblée les bénéfices pour l’entreprise. Il faut toutefois faire attention à ne pas voir cela comme une simple mesure de réduction des coûts, car cela sera contre-productif si les employés n’ont rien à y gagner.
4. Partir d’en haut (Start at the top)
Le modèle de travail du futur implique de passer d’un management fondé sur le contrôle à un management fondé sur la confiance et de traiter les personnes comme des adultes. Ce changement ne pourra avoir lieu sans l’appui de la haute direction. L’engagement des hauts dirigeants est primordial : ils doivent être impliqués dans la mise en œuvre de ce nouveau modèle et parler de l’importance de concilier souplesse et équilibre. Si un bon nombre de dirigeants sont favorables à cette approche et l’appliquent peut-être déjà, ils ne réalisent généralement pas à quel point il est important d’en parler. En effet, le pouvoir du leadership est tel qu’il peut donner à d’autres la permission d’évoluer.
5. Traiter les personnes comme des individus (Treat people as individuals)
Il n’existe pas de solution toute faite pour le futur du travail. Les managers désireux de réussir comprendront les différentes motivations et préférences des membres de leurs équipes et apporteront le soutien dont chacun a besoin. Les responsables doivent formuler leurs attentes de manière claire et veiller à ce que travailler « n’importe où, n’importe quand » ne signifie pas « partout, tout le temps ». Avec des équipes géographiquement dispersées, les managers doivent donner aux employés la possibilité de communiquer, par le biais de « pauses café virtuelles », et s’investir dans le développement de relations individuelles par téléphone (ou Skype) lorsqu’il n’est pas possible de se rencontrer physiquement.
En dernier lieu, il est essentiel de se montrer efficace dans la gestion des nouvelles méthodes de travail. Une mauvaise gestion peut, d’un côté, être source de mécontentement et couper les employés de l’organisation et, de l’autre, provoquer surmenage et épuisement professionnel. La solution ne consiste pas à revenir à d’anciennes méthodes de travail. Il s’agit plutôt pour les managers de faire preuve de plus d’efficacité dans la définition des objectifs et l’évaluation des performances, tout en étant capable de motiver les employés afin qu’ils réalisent leur plein potentiel, indépendamment de leur lieu et de leurs méthodes de travail.