Ce que font vraiment les gens à l’écoute

J'ai lu avec attention et souhaite vous partager l'article de Joseph Folkman et Jack Zenger, dans HBR France, expliquant que savoir bien écouter son interlocuteur permet de créer un environnement sécurisant. Mais quels sont les comportements d'écoute exceptionnels ?

Article : https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2018/12/23380-ce-que-font-vraiment-les-gens-a-lecoute/

Savoir bien écouter son interlocuteur nécessite non seulement une part de mise en retrait mais aussi d’affirmation de soi.

Il y a fort à parier que vous pensez savoir être à l’écoute des autres. En réalité, l’auto-évaluation des capacités d’écoute des individus ressemble beaucoup à celle de leur conduite, dans le sens où la majorité des adultes estiment conduire mieux que la moyenne.

D’après notre expérience, la plupart des gens pensent qu’une bonne écoute se résume à trois choses :

– ne pas parler quand d’autres s’expriment ;

– faire savoir à ses interlocuteurs qu’on les écoute à l’aide d’expressions faciales et de sons (« hmm-hmm ») ;

– être capable de répéter, presque mot pour mot, ce que les autres ont dit.

Ce qui est exactement ce que la plupart des conseillers en management recommandent de faire – rester silencieux, opiner du chef et marmonner des « hmm-hmm » encourageants avant de lâcher quelque chose du style « Si je vous ai bien compris, vous avez dit que… » Cependant, les études que nous avons menées récemment indiquent que ces comportements sont loin de suffire à décrire une bonne capacité d’écoute.

Les caractéristiques d'une personne à l'écoute

Nous avons analysé des données détaillant le comportement de 3492 participants à un programme de développement destiné à aider les managers à devenir de meilleurs coaches. Dans le cadre de cette formation, les compétences en coaching ont été évaluées à 360 degrés et le top 5 % des individus les plus performants en termes d’écoute a été isolé. Nous les avons ensuite comparés aux autres, ce qui nous a permis d’identifier 20 comportements clivants mis en avant par des collègues comme indicateurs d’une capacité d’écoute exceptionnelle. Nous avons trouvé à la fois des caractéristiques attendues et d’autres surprenantes et nous les avons catégorisées :

 

Une bonne écoute ne se résume pas à laisser son interlocuteur parler.

Au contraire, les gens associent une bonne écoute avec le fait de poser régulièrement des questions qui permettent de mieux comprendre le sujet et d’en explorer de nouvelles facettes. Ces questions remettent en cause de manière constructive et en douceur des principes bien établis et montrent aussi que l’interlocuteur s’est suffisamment bien approprié le sujet pour vouloir des informations complémentaires. Dans tous les cas, la capacité d’écoute était associée non pas à un discours à sens unique mais au dialogue et les conversations jugées les meilleures étaient actives.

 

Une bonne écoute inclut des interactions qui affûtent l’estime de soi.

Les personnes attentives aux autres transforment la conversation en une expérience positive pour celui qui parle, ce qui n’est pas le cas en cas de passivité (ou d’attitude critique, bien évidemment). Ces individus donnent au locuteur le sentiment d’être soutenu et le mettent en confiance. Une bonne écoute se traduit par la création d’un environnement sécurisant au sein duquel problèmes et différences peuvent être ouvertement discutés.

 

Une écoute positive est perçue comme un échange. 

Dans les interactions que nous avons étudiées, les deux protagonistes échangeaient calmement du feedback sans qu’aucune partie prenante ne s’offusque des commentaires de l’autre. A contrario, ceux incapables d’avoir une oreille attentive étaient perçus comme combatifs, n’écoutant leur interlocuteur que pour pointer du doigt ses erreurs de raisonnement ou de logique et se servant de son temps de parole pour préparer une contre-attaque. Ce qui peut sans doute faire de vous un excellent débatteur, mais certainement pas une personne à l’écoute. Lorsqu’une personne ouverte remet en cause des postulats et exprime son désaccord, elle donne l’impression de vouloir aider le locuteur et non de chercher à gagner la discussion.

 

Les individus réellement à l’écoute font généralement des suggestions.

Dans l’étude, chaque écoute attentive était invariablement accompagnée d’un feedback ouvrant de nouvelles perspectives et acceptable dans sa forme. Ce constat n’a pas manqué de nous surprendre étant qu’il est courant d’entendre les gens se plaindre, dire « untel ne m’a pas écouté, il s’est imposé et a tenté de résoudre le problème lui-même. » Sans doute ces résultats montrent-ils que ce qui irrite ce n’est pas tant le fait de donner des conseils que la façon dont ceux-ci sont prodigués, ou bien que nous serons d’autant plus disposés à écouter les conseils de certaines personnes que nous pensons qu’elles sont réellement à l’écoute. (Quelqu’un qui ne dit mot de toute la conversation, mais finit par lancer une suggestion ne sera peut-être pas tout à fait crédible. Une autre, combative ou critique, mais qui donne quand même conseil ensuite ne sera sans doute pas jugée digne de confiance).

Etre à l’écoute ne signifie pas être une éponge

Alors que nombre d’entre nous s’imaginent qu’avoir une oreille attentive revient à se transformer en éponge et à s’imprégner des dires de son interlocuteur, les études révèlent au contraire qu’une personne véritablement à l’écoute est comparable à un trampoline. Vous pouvez lui soumettre des idées et, plutôt que de les absorber et de saper votre énergie, elle les fera rebondir, leur donnera de la vigueur et clarifiera votre pensée. Ces individus rehaussent votre bien-être non pas en restant passifs, mais en vous soutenant activement. Ce qui permet d’emmagasiner de l’énergie et de prendre de la hauteur. Exactement comme sur un trampoline.

Bien entendu, il y a différents niveaux d’écoute. Si toutes les conversations ne requièrent pas une concentration intense, nombre d’entre elles bénéficieraient cependant d’une plus grande attention et d’une meilleure écoute. Réfléchissez au niveau d’écoute que vous visez.

Niveau 1. L’interlocuteur a posé les bases d’un cadre sécurisant au sein duquel des sujets difficiles, complexes ou émotionnels peuvent être abordés.

Niveau 2. L’interlocuteur écarte toutes sources de distraction telles que téléphones mobiles ou ordinateurs et se concentre sur le locuteur en le regardant dans les yeux. (Ce comportement n’affecte pas seulement la façon dont la personne à l’écoute est perçue ; il influe sur ses attitudes et ses sentiments. Jouer un rôle modifie ce que vous ressentez. Ce qui, par ricochet, vous rend plus l’écoute.)

Niveau 3. L’interlocuteur cherche à comprendre la substance de ce qui dit la personne en face de lui. Tous deux exposent des idées, posent des questions et reformulent des problématiques pour s’assurer qu’ils comprennent la même chose.

Niveau 4. L’interlocuteur prête attention aux signes non verbaux tels que les expressions faciales, la transpiration, le rythme de la respiration, les gestes, la posture et bien d’autres signaux corporels subtils. On estime que 80 % de la communication passent par ces canaux. Cela vous semblera peut-être étrange, mais l’on écoute autant avec ses yeux qu’avec ses oreilles.

Niveau 5. L’interlocuteur comprend de mieux en mieux ce que ressent et pense d’un sujet donné la personne en face de lui ; il identifie et entérine ces sentiments, sans juger.

Niveau 6. L’interlocuteur pose des questions qui permettent de clarifier les présupposés de celui qui s’exprime et l’aide à voir le problème abordé sous un angle nouveau. L’interlocuteur peut aller jusqu’à soumettre de nouvelles réflexions et idées sur le sujet débattu. Cependant, une personne qui sait écouter l’autre ne doit jamais s’emparer de la discussion pour la détourner à son profit.

La plupart d’entre nous n’en font pas assez

Chaque niveau se bâtit à partir du précédent ; ainsi, si l’on vous a critiqué pour avoir proposé des solutions au lieu d’écouter la personne face à vous, cela signifie peut-être que vous devez revenir en arrière pour poser les bases élémentaires d’une bonne écoute (comme écarter toute distraction ou faire montre d’empathie) avant que vos conseils puissent être appréciés à leur juste valeur.

Il est probable qu’en voulant être à l’écoute, la plupart d’entre nous risquent plutôt de ne pas en faire assez que d’en faire trop. Souhaitons que nos recherches, en battant en brèche l’image de l’éponge, permettront d’ouvrir de nouvelles perspectives sur l’écoute et que ceux qui s’imaginent supérieurs aux autres à ce sujet prennent conscience de leurs lacunes.

Enfin, nous espérons que tout le monde comprendra que la forme la plus aboutie de l’écoute de l’autre consiste à jouer pour la personne en face de vous le même rôle que le trampoline joue pour l’enfant : elle donne de l’énergie, de l’accélération, de la hauteur et de l’amplification. Tous signes d’une oreille vraiment attentive.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.